En 2013, un impact a eu lieu sur le microcosme français du comics : le petit nouveau de l’époque, l’éditeur Urban Comics est passé devant Panini Comics en nombre d’albums vendus en librairie. En 2014, ce dernier engageait donc sa contre-offensive en devenant plus agressif pour reprendre sa place. En effet, en plus de continuer sa politique à base de Marvel Deluxe, 100% et autres, il n’a pas hésité à s’inspirer de ce qui se faisait en face. Par exemple, la collection Marvel Icons de Panini est un mélange de DC Classique et de DC Signature chez Urban, et les Je suis Spider-Man ou Nous sommes les X-men ressemblent beaucoup aux DC Anthologie du concurrent. Cependant, il ne faut pas voir là du plagiat pur et simple, il s’agit plus d’inspiration, mais surtout de bon sens.
En revanche, la grosse nouveauté de Panini à l’époque était l’arrivée de la collection Marvel NOW! qui, même si elle a été annoncée et détaillée en amont, s’est montrée pour la première fois durant le Festival BD d’Angoulême de 2014. Mais avant de parler de l’objet en lui-même, faisons un point sur ce qu’est ce Marvel NOW! à la base, notamment aux Etats-Unis. Il s’agissait d’un évènement que beaucoup ont considéré comme la réponse de Marvel au redémarrage des séries chez DC (le fameux New 52). C’est simple, suite au crossover Avengers vs X-Men, l’univers Marvel partait avec un nouveau statu quo. L’éditeur américain avait alors réuni ses meilleurs scénaristes et dessinateurs et avait refait partir toutes ses séries (ou presque) au numéro 1. Les histoires se voulaient donc accessibles aux nouveaux lecteurs. Attention cependant, il ne s’agissait pas là d’oublier le passé comme chez DC, les personnages continuaient leurs aventures commencées dans leurs anciennes séries. Le changement s’était plus fait au niveau des équipes créatives, proposant des histoires nouvelles. Quoi qu’il en soit, l’évènement est arrivé en France en juillet 2013 en kiosque, et Panini, pour l’occasion, a fait repartir ses revues du numéro 1.
Comme il en avait l’habitude à cette période, Panini proposait pratiquement toutes les séries Marvel NOW! dans ses revues kiosque. Et selon le fonctionnement de l’éditeur à l’époque, certaines séries aurait dû sortir une à plusieurs années plus tard en librairie, et ce pour une minorité d’entre elles. En face, Urban proposait systématiquement les séries phares de leurs kiosques en librairie peu de temps après la sortie, permettant au lecteur de choisir son format. Panini a alors décidé de s’inspirer de son concurrent, et le 26 mars 2014 arrive la première vague d’albums librairie Marvel NOW!, proposant la plupart des séries Marvel moins d’un an après la publication kiosque. C’était un bouleversement dans la politique éditoriale de Panini et une excellente nouvelle pour les lecteurs.
Le format de cette collection est identique par exemple à un Best Of Fusion comme The Massive. Pour être plus général, il ressemble énormément à un album de la collection Contrebande de chez Delcourt. Comparé à la collection DC Renaissance d’Urban, l’album de Panini est légèrement plus grand et plus profond, mais ça se joue à 5 mm, guère plus. Au niveau du cartonné, la couverture est mat comme tous les albums dont j’ai fait la comparaison précédemment. L’objet est très bien fini, semble résistant et a une bonne esthétique. Le papier est plutôt épais et de bonne qualité.
Dans cet article, je m’intéresse plus spécifiquement à la série Superior Spider-Man, dont le premier tome contient les cinq premiers numéros américains. Le #5 US était paru en kiosque VF en septembre 2013, on avait donc à ce moment seulement 6 mois entre la parution du kiosque et de la librairie, du jamais-vu pour Panini. En plus du tome 1, j’ai eu l’occasion d’écrire un avis aussi sur le tome 5, que j’ai mis à la suite. Ces albums peuvent être encore trouvables chez votre libraire, mais Panini les a aussi réédité dans le format Marvel Deluxe, plus avantageux niveau taille (plus grand) et prix.
TOME 1
L’histoire de ce premier tome est assez problématique, puisque le twist qui lance la série est à la fois sa plus grande qualité et son plus grand défaut. C’est un défaut parce que clairement, il est plus agréable de lire ce récit en ayant lu l’arc narratif précédent publié dans Amazing Spider-Man. Panini l’a publié en librairie en 2017, soit 3 ans après la sortie de ce tome 1. Forcément, le fait de vouloir changer de stratégie d’un coup a perturbé le cycle en place, mais il est dommage que l’éditeur ait mis tant de temps à réagir. Aujourd’hui, le problème ne se pose plus vraiment, puisqu’il s’agit de lire le tome 0 avant de lire ce tome 1. Il y a prescription, mais si vous ne savez pas trop de quoi je parle, et que vous voulez vous garder un minimum la surprise, sautez le paragraphe suivant, et ne lisez pas la critique du tome 5. La série vaut le coup de toute manière, donc à vous de voir.
Ce fameux twist du dernier Amazing Spider-Man est que le Docteur Octopus, avant de mourir, a échangé son esprit avec celui de Peter Parker. Du coup, c’est Peter qui meurt, et Octopus qui devient Spider-Man. Bien sûr, ce nouveau statu quo en a fait hurler quelques-uns, mais Dan Slott, le scénariste, maîtrise totalement l’histoire et le personnage, et par cette pirouette, renouvelle l’intérêt à suivre le héros. Et oui, un héros, puisque le Docteur Octopus garde aussi tous les souvenirs de Peter Parker : il comprend donc pourquoi il est Spider-Man, et décide d’être un meilleur Spider-Man qu’il ne l’a jamais été. Finalement, le personnage est totalement nouveau, et c’est donc une formidable porte d’entrée pour les nouveaux lecteurs. On s’amuse beaucoup à voir ce Peter tout neuf aborder les problèmes différemment et rencontrer les autres personnages bien connus de la série. On a un Spider-Man plus calculateur, plus froid et plus violent, mais aussi plus efficace, et on est constamment surpris par Slott.
Le récit est donc très intéressant pour la métahistoire, mais aussi pour les petits tracas du quotidien. Même si parfois certains passages sont un peu faciles, ça ne gêne en rien la lecture qui au contraire s’en trouve allégée. Dan Slott connait bien le tisseur, et son récit est aussi dynamique et aérien que son héros, c’est un énorme plaisir à lire. Il est très bien secondé par un Ryan Stegman très efficace avec un dessin qui colle aussi parfaitement au héros. Un cran en dessous, nous avons aussi le dessinateur Giuseppe Camuncoli qui est tout de même en forme et nous offre des planches agréables. Bref, vous l’aurez compris, c’est du bon boulot, et j’ai beaucoup apprécié ce récit.
En conclusion, nous avons finalement dans cet album un moyen parfait pour le nouveau lecteur de commencer Spider-Man, malgré un statu quo légèrement différent de ce à quoi on pourrait s’attendre. Il s’agit cependant d’une histoire complète qui présente un Spider-Man nouveau tout en proposant des pistes pour la suite. Le récit est imprévisible et maîtrisé par un Dan Slott en forme, et encadré par de bons dessinateurs. Une histoire qui est devenue un classique !
Cet article a été publié originalement sur MDCU : https://www.mdcu-comics.fr/news-0014563-panini-comics-review-vf-superior-spider-man-tome-1.html
TOME 5
Lorsque Dan Slott a commencé à écrire quelques histoires de Spider-Man, personne ne se doutait qu’il allait à ce point s’accrocher à ce personnage. S’il se cantonne à quelques petits arcs sur The Amazing Spider-Man dès 2007, Marvel lui offre en 2010 une opportunité incroyable : il devient le seul et unique scénariste de la série principale du héros. Mais si le monsieur a contrôlé la vie du personnage pendant 8 ans, laissant sa place à Nick Spencer en 2018, c’est qu’il y a une raison toute simple : c’est sacrément bien !
L’ère Marvel NOW de Spider-Man est la conséquence audacieuse d’un arc qui a mis fin à la série The Amazing Spider-Man aux Etats-Unis. L’éternel ennemi de l’Araignée, Otto Octavius, a, sur son lit de mort, échangé son esprit avec celui de Peter Parker. Il se retrouve alors dans son corps, tandis que Peter meurt à sa place. Mais ça, vous le savez déjà. Depuis le début de la série, on suit les aventures de ce Spider-Man qui se considère supérieur, car Octavius se croit bien plus malin que notre Peter. Ce choix scénaristique était assez audacieux, et Dan Slott s’est fait quelques ennemis. Mais au lieu de céder et de revenir au statu quo, il a tenu, et beaucoup lui ont pardonné tellement la série est de qualité.
Ce tome 5 commence par un Annual, c’est-à-dire que nous avons le droit à une petite histoire complète avec une espèce de vampire-démon qui s’en prend à Tante May pour atteindre Spider-Man. Ce récit a la qualité de bien situer ce qu’est devenu le héros récemment. Le Spider-Man supérieur, même s’il a amélioré beaucoup de chose dans sa vie, reste impulsif, et sans pitié. Il fait peur à ses adversaires pour ne pas qu’ils s’attaquent à ses proches. Cette histoire courte a aussi le mérite d’être graphiquement magnifique. Le dessin de Javier Rodriguez est à la fois doux et très lisible. S’il arrive que les Annuals soient des histoires assez fades, lui est plutôt réussi, surtout en début d’album.
Suite à ça, retour à l’intrigue principale : l’Agent Venom est en pleine action. Pour ceux qui ont oublié, à l’époque, il s’agit de Flash Thompson qui contrôle le symbiote. Ne vous inquiétez cependant pas : le nouveau Spider-Man ne le connait pas, du coup, tout est très simplement expliqué. Et comme Octavius est resté bloqué au moment où Venom était l’ennemi, il va aller l’affronter. En parallèle, les industries Parker sont inaugurées. Octavius cherche toujours à prouver qu’il est supérieur en améliorant en tout point la vie de Peter Parker/Spider-Man. Il fonde sa propre entreprise, il a une armée de gadgets et de soldats pour combattre le crime, il arrive à gérer une relation amoureuse et est aux petits soins pour sa tante May.
Pourtant, si on voit bien que Spider-Man est supérieur sur de nombreux points, Octovius ne se contrôle pas totalement. Son arrogance, et ses excès de colère semblent interloquer ses proches. Son approche de la justice est tyrannique et dictatorial. Il observe tout le monde tout le temps. Bref, Slott aurait pu tomber dans la facilité et nous faire tout simplement un Spider-Man méchant, mais le coup de génie du scénariste est de ne pas être tombé dans ces clichés, et de nous offrir un personnage bien plus ambigu, dont les actions ne sont pas toutes mauvaises. Il parvient à rendre le personnage attachant, même si certains comportements nous rappellent que ce n’est pas notre Peter Parker.
L’affrontement entre Spider-Man et Venom va finir par nous créer inévitablement un Superior Venom. Malgré l’intelligence narrative du récit, Slott sait rendre ses histoires fun. L’action s’enchaîne à toute allure, et si le récit se focalise sur ce duel, l’auteur n’oublie pas de disséminer quelques graines pour la suite. Certains personnages comprennent les secrets de Spider-Man, et les bouffons (vert et super) trament des choses dans leur coin. Tout se met en place pour le prochain tome, le dernier de la série. Niveau dessin, rien à redire, il s’agit en grosse majorité d’Humberto Ramos. Ses dessins sont ultra-dynamiques et stylisés, c’est un régal pour les yeux. Il a abandonné en partie son côté très caricatural que lui reprochaient ses détracteurs.
Dan Slott nous offre une série dynamique sur la forme et intelligente sur le fond. On s’en prend plein la figure, on s’éclate, mais derrière, ce n’est pas naïf et il y a une réelle réflexion sur le personnage. Les amateurs du tisseur seront aux anges !
Cet article a été publié originalement sur MDCU : https://www.mdcu-comics.fr/news-0019866-panini-comics-review-vf-superior-spider-man-5-les-heures-sombres.html