Les quatre Fantastiques de Hickman chez Panini

Les Quatre Fantastiques sont la plus ancienne équipe de super-héros de Marvel, et cependant loin d’être leur plus grand succès. Leur première série, lancée par Stan Lee et Jack Kirby aux tonitruants débuts de Marvel, nous a fait voyager dans l’univers et dans des mondes étranges. Les bases de l’équipe étaient déjà là : la particularité est de ne pas en être tout à fait une, puisqu’il s’agit bien plus d’une famille. La série en elle-même a suivi pendant des années son bonhomme de chemin, plus ou moins indépendamment du reste de l’univers Marvel, et avec une qualité variable. L’éditeur a pourtant tenté des relances intéressantes, notamment en avril 2008 avec l’arrivée de Mark Millar et Brian Hitch sur le titre. L’équipe a un peu déçu comparé à son travail sur les Ultimates. Finalement, il faudra attendre l’arrivée de Jonathan Hickman sur la série pour avoir une vraie proposition de qualité pour les Quatre Fantastiques. Cet article se base sur une critique du Marvel Deluxe Une Solution pour tout qui contient le début de son long run sur la série, et sorti en 2014.

Jonathan Hickman est aujourd’hui un nom qui commence à être connu, notamment grâce à son run sur les Avengers qui a mené à l’un des plus gros évènements de Marvel, Secret Wars. Il est l’un des architectes de l’univers Marvel, et il a d’ailleurs récemment révolutionné les X-Men qu’il continuera à mener jusqu’à la fin de cette année 2021. Pourtant, il y a 15 ans, l’auteur était totalement inconnu du monde des comics. Il commence par quelques bédés indépendantes, et se fait remarquer par Marvel. Sa spécialité commence à se mettre en place : il adore créer toute une mythologie dans ses histoires, ce qui se remarque surtout avec sa mini-série S.H.I.E.L.D où il met déjà en scène le papa de Red Richards, et met en place un nouveau passé pour Marvel. Il se retrouve ensuite sur la mini-série Dark Reign : Fantastic Four, et enchaine sur la série principale des héros. A l’époque, il s’agit de sa première grosse série régulière, et il va très bien s’en tirer. Ce Marvel Deluxe regroupe les Fantastic Four #570 à 582, donc les premiers pas d’Hickman sur la série. Il est un peu regrettable de ne pas commencer exhaustivement avec sa mini-série Dark Reign qui introduit son travail, mais ce n’est finalement pas si gênant et permet de rentrer rapidement dans le vif du sujet.

L’album contient globalement trois histoires d’Hickman. La première est une aventure classique des Quatre Fantastiques qui affrontent le Sorcier. A la fin du combat, des éléments inhabituels nous font cependant comprendre que ce run veut proposer quelque chose de plus. Red se retrouve dans sa salle à penser, où il a noté 100 idées pour changer le monde, mais surtout une 101ème qui est une solution pour tout. L’histoire prend une tout autre ampleur quand Red rencontre ses doubles d’autres dimensions regroupés dans une mini-dimension. Nous découvrons ainsi ce qui fera la recette du travail d’Hickman sur les Fantastiques : l’alternance de passages impressionnants et fous, et de moments plus calmes, plus intimistes. D’un côté, nous avons des dizaines de Red Richards qui mettent leurs idées en commun pour aider les mondes, avec un côté scientifique totalitaire fou et finissant même en combat contre des Célestes, donc quelque chose de très épique. Et de l’autre côté se trouve le cœur des Fantastic Four : la famille. Des scènes qui semblent sans importance, et les choix que font Red nous rappellent constamment que ce n’est pas une équipe de super-héros comme les autres. D’ailleurs, en parallèle de cette aventure folle (bien que racontée après), il y a une histoire plus calme avec Ben et Johnny, et les enfants Franklin et Valeria. Pourtant, même si l’humour est présent, et que l’intrigue semble plus légère, elle devient beaucoup plus sérieuse et importante par la suite.

Autre ingrédient du succès d’Hickman, chaque élément a son importance pour la suite. Dès le début, nous avons des flashbacks de Red avec son père. C’est loin d’être anodin. Plusieurs pistes sont d’ailleurs lancées par l’auteur. La deuxième histoire principale en est l’illustration parfaite : plusieurs peuples nous sont décrits, que ce soient leurs origines ou leurs caractéristiques ; les Quatre Fantastiques vont les découvrir et avoir un contact avec eux. Ces peuples vivent chacun dans une cité, et, même si la découverte est intéressante, la rencontre est assez courte et laissée en suspens. On sait ainsi qu’ils auront un rôle dans l’avenir, mais sans savoir lequel précisément ni quand (pas dans cet album en tout cas). D’ailleurs, la troisième et dernière histoire voit la création de la Fondation du Futur, et surtout une histoire de voyages temporels qui ouvrent des perspectives absolument énormes pour la suite. Bref les histoires s’enchainent, de nombreuses pistes sont lancées, et on pourrait avoir l’impression de rester un peu sur sa faim. Ce n’est pas le cas, Hickman a déjà été plus cryptique que ça. En effet, si l’auteur lance de nombreuses choses, il y a toujours des intrigues plus modestes qui trouvent leurs conclusions.

La famille, les enfants et les histoires moins épiques ont en effet totalement leur place dans ce tome, ce qui en fait l’un des runs les plus accessibles d’Hickman (plus que S.H.I.E.L.D. ou même le début d’Avengers). Il est, de plus, soutenu par des dessinateurs plutôt classiques et très efficaces. Dale Eaglesham semble tout droit descendre de Kirby, et nous donne un trait un peu à l’ancienne, mais bien plus détaillé et surtout avec une couleur bien travaillée. Ce mélange entre moderne et old-school colle parfaitement à l’univers des Quatre Fantastiques. Quant à Neil Edwards, il a un dessin plus proche de Brian Hitch, bien que peut-être moins détaillé. Le style des deux auteurs de ce tome n’est finalement pas très éloigné, ce qui donne une impression d’unité agréable.

Intéressons-nous maintenant à ce qui fâche. Panini n’a absolument pas retouché la traduction par rapport au kiosque. Donc malgré leur changement de politique de traduction qui fait qu’on devrait avoir Reed et Susan Richards, les personnages se nomment encore Red et Jane Richards. La précision mérite d’être faite, même si je ne trouve pas ça gênant, je suis habitué à l’ancienne traduction des noms. Par contre, quelle déception d’avoir Laurence Belingard en traductrice ! Si elle se débrouille très bien au début, car l’histoire est simple, dès que l’on part dans des aventures plus complexes, il faut parfois lutter avec la traduction pour décrypter les idées d’Hickman.

Bien sûr l’album appelait une suite… qui n’existe pas en librairie ! En effet, si le tome 2 est sorti en 2015, il n’y a jamais eu de tome 3 dans cette collection. Le seul moyen de lire toute cette saga en français est de se procurer les kiosques. C’est dommage car je peux vous dire que la conclusion de plusieurs pistes lancées dans cet album n’arrivera qu’en toute fin du run d’Hickman. Les Quatre Fantastiques vivent d’ailleurs dans la suite de nombreuses épreuves, dont une marquante qui mettra fin à la série régulière et lancera une nouvelle série nommée FF. Bref, c’est d’autant plus rageant que l’intégralité du run aurait peut-être tenu avec deux Marvel Deluxe supplémentaires. L’évènement Secret Wars a été l’occasion pour Hickman d’en faire le point de rencontre de tout son travail chez Marvel, et il serait temps que Panini songe à le proposer dans son exhaustivité. Surtout que le reste est déjà trouvable en Marvel Deluxe : son run sur l’univers Ultimate, sa série SHIELD et ses Avengers en cours de publication. Enfin « trouvable » dans une certaine mesure, puisque Panini a toujours du mal avec les rééditions (même si l’éditeur s’est un peu amélioré). Les deux Marvel Deluxe sur les Fantastiques d’Hickman sont introuvables… Seul le premier arc peut être trouvé dans la collection Best of Marvel (en Must Have), mais je ne désespère pas de voir un jour cette superbe saga totalement rééditée en librairie. Peut-être à l’occasion de deux Omnibus ? On peut rêver…

Pour l’avoir lu en fascicules, ce run est dans l’héritage direct de Kirby et Lee, avec des nouveaux mondes, des peuples et créatures étranges, mais aussi de l’épique. Cependant, on n’oublie pas le reste des aventures des Fantastic Four, et notamment le côté famille très important. En effet, les enfants Valeria et Franklin ne sont pas mis de côté, et sont au contraire au centre de l’histoire. En outre, Hickman multiplie subtilement les références, et ne pas les saisir ne nuit en rien à la compréhension de l’histoire. Soit une excellente saga pour découvrir ces héros, et peut-être même la meilleure…

Cet article est une version retravaillée d’une de mes publications de MDCU : https://www.mdcu-comics.fr/news-0015849-panini-comics-review-vf-fantastic-four-une-solution-pour-tout.html