Les Utopiales 2019 se déroulaient à Nantes le week-end du 1er novembre. De nombreuses tables rondes y étaient proposées, et je vais m’attarder sur celle ayant comme sujet Secret Défense. L’idée était de réfléchir à l’espionnage d’aujourd’hui, mais aussi celui de demain. Trois invités étaient alors présents : Emmanuel Chiva du ministère de la défense, Alain Damasio auteur de roman et Denis Bajram auteur de BD.
Selon Chiva, la quatrième guerre mondiale, en considérant la troisième comme étant la Guerre Froide, a lieu actuellement dans un lieu qui échappe au pouvoir régalien : sur internet. Depuis quelques années, l’espace de conflictualité s’est déplacé dans ce cyberespace. Pour Damasio, cette évolution est logique puisque notre vie se passe de plus en plus sur les réseaux. D’ailleurs, Bajram, un ancien white hat, explique la technique de guérilla utilisé par les pirates qui attaquent constamment les sites. Pour ceux qui l’ignorent, les white hats sont des hackers « gentils », avec une éthique, en opposition aux black hats qui prônent plutôt l’anarchie et l’appât du gain. Il y a un véritable conflit entre les deux groupes.
Cette table ronde était intéressante, de par ses intervenants qui avaient une perception assez différente du sujet. Chiva, très terre à terre, nous explique la stratégie nationale, notamment le fait que l’intelligence artificielle en soit eu centre. Damasio, plutôt pacifiste et romantique dans l’âme, intervient moins, puis décide de pousser un coup de gueule. Il n’apprécie pas trop le mélange des genres, c’est-à-dire l’imaginaire de la science-fiction et le réel de la défense nationale. Il a reçu à plusieurs reprises des invitations par le ministère de la défense. Le principe est de demander aux auteurs de SF d’aider l’armée à imaginer la guerre de demain. L’auteur a toujours refusé, car pour lui : si tu veux la paix, ne prépare pas la guerre, mais prépare la paix. Chiva lui précise que c’est pour imaginer le monde de demain, pas forcément la guerre. Mais même si ce n’est pas pour la guerre, qui saura à quel escient ce sera utilisé.
Le sujet du débat s’est à ce moment-là déporté vers le rôle des auteurs et de la création vis-à-vis de la défense nationale. Le titre de la table ronde a de toute façon peu été suivi, et cette nouvelle réflexion s’est finalement avérée très intéressante. Bajram a d’ailleurs une position plus raisonnée, puisque lui a déjà accepté de rencontrer le ministère de la défense. Pour lui, l’auteur ne peut pas penser à toutes les répercussions de sa création. Il ne sait pas qui va la lire, ni les idées que cela va leur donner. Il y a eu ensuite beaucoup de discussion autour de la guerre, et du monde dans lequel on vit. En soi, comme la plupart des tables rondes que j’ai vues, le titre ne sert que de point de départ, et l’intérêt vient des invités qui peuvent beaucoup digresser.
Je terminerai sur un point très pertinent de Damasio qui regrette que ce ne soit que le ministère de la défense qui lui demande sa vision pour l’avenir. Jamais un autre, alors qu’il accepterait sans hésitation des invitations du ministère de l’éducation ou de l’écologie. Si ce rapide résumé vous a mis en appétit, vous pouvez écouter la conférence dans son intégralité sur le site des Utopiales : https://www.actusf.com/detail-d-un-article/utopiales-2019-secret-d%C3%A9fense